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21 mars · 1 mn à lire
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Plus tard

Il sera trop tard pour ne plus subir ta honte

Plus tard, il sera trop tard pour ne plus subir ta honte. Celle qui te désigne, toi, là, le monstre, toi, là, la mélancolie, toi, là. La honte, c’est toi, elle est toute entière, cette honte sur pieds, cette honte qui parle, qui dort, qui rit, qui travaille, toi, là, la honte, toute entière, qui fonctionne, qui avance masquée, le visage voilé par un sourire contrit, la honte qui est, qui existe, qui ment.

Toi. Là. 

Il sera peut-être trop tard pour prendre part. Pour exister sans ta peau qui fait mal, pour marcher avec les autres, pour tourner ton regard derrière toi et te pardonner, pardonner, pour diriger tes yeux vers ton ventre et en extirper la peur, plonger dans le nombril et tirer ce serpent de mer empoisonné, le dérouler lentement hors de ta chair, et mordre dans son cou.

Plus tard, il ne sera peut-être pas trop tard. Pas trop tard pour enrouler le serpent autour de ton avant-bras et le porter comme une arme. Habiter ton esprit, embarquer dans un radeau de fortune pour contrer les vagues qui le noient, refluent, le recouvrent sans que tu ne puisses rien y faire, pour ne plus subir, jamais, le sentiment d'impuissance, ce mensonge collectif, cette chimère malfaisante qui broie les âmes, pour tâtonner dans la tempête, et voir que lorsque tu accomplis ce geste, c’est les autres que tu trouves, un peuple qui tend les bras, comme toi, persuadé d’être assujetti par le bruit et la certitude que rien n’est possible.

Plus tard, il ne sera pas trop tard pour habiter ton corps et vaincre le spectre de que ce tu aurais pu, dû, voulu être. Ce fantôme assemblé dans la hâte par d’autres fantômes, les mots claqués par des langues mortes, qui confirment tes manques, qui définissent les inaptitudes, qui racontent le bonheur, qui brodent son nom à l’infini sur des bannières accrochées à la façade de palais pleins de vide. 

Plus tard, il ne sera jamais trop tard, peuple du Seum, pour terrasser la honte, ce déshonneur que tu t’es octroyé, récompense frelatée, prix que tu as fixé pour t’autoriser à vivre, et agripper les autres, les aimer, les comprendre, les écouter, là, maintenant. Non, il ne sera pas trop tard, peu importe le temps passé, pour essayer la joie commune, pour tenter quelque chose. Car tu es Un, et tu as une multitude de visages, de cœurs prêts à résonner.

Tu peux te lever.