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19 juin · 5 mn à lire
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Mais d’où ça vient la dépression, b*rdel ? 

Parce que c'est quand même la première question à se poser.

Coucou les aminches, retrouvez-moi à la fin de l’article pour la boîte à questions ! Bonne lecture.

Alors, autant vous le dire tout de suite, nous n’allons pas répondre à cette question en un article de newsletter. Considérez ce post comme une introduction à la suite de notre travail : elle va servir à déblayer le pas de notre porte, bien encombré, histoire d’avoir une vision un peu plus claire de ce qui nous attend.

L'une de me premières constatations lorsque j’ai cherché à me renseigner sur le trouble dont je souffre, c’est que son origine n’est pas vraiment claire - et c’est un euphémisme que de l’affirmer. Il suffit de surfer deux minutes sur le Net pour se rendre compte que, niveau éclairage, c’est pas gagné. 

Si on scrolle un peu, la dépression, c’est :

  • un trouble de l'humeur, un trouble mental, un trouble du comportement, un état de détresse émotionnelle, un déséquilibre physique, une maladie mentale, une maladie psychiatrique, un état de souffrance mentale, une expérience de tristesse permanente, une perturbation de l'humeur, un état de privation d’énergie, etc.”

Heureusement pour nous, trois termes se dégagent de cette liste : maladie - trouble - état, et c’est précisément de ceux-ci que nous allons partir pour amorcer la suite. Ils vont nous permettre d’effectuer un classement approximatif des nombreuses occurrences qui apparaissent lorsque nous cherchons à comprendre les origines de la dépression.

Je vous donne ici un petit florilège de celles que j’ai trouvé lors de mes recherches. Les causes de la dépression seraient :

  • génétiques, épigénétiques,  hormonales, inflammatoires, neuronales, neuroanatomiques, cognitives, traumatiques, liée au dysfonctionnements du système hormonal, endocrinien, immunitaire, liées à des facteurs sociaux, environnementaux, économiques ou saisonniers…”

Pas étonnant que nous soyons complètement perdu•es lorsque nous essayons de nous renseigner sur ce qui nous pourrit la vie, hein ?

Maladie ou trouble ? 

Vous constaterez que lorsque j’écris, j’utilise alternativement ces deux termes. Ces deux manières de m’exprimer ne sont pas anodines : elles mobilisent deux champs majeurs des recherches sur la dépression, deux champs qui, historiquement, s’opposent et se complètent, mais dont la collision dans l’espace scientifique et culturel brouillent notre vision. 

Le biologique 

Lorsque nous énonçons simplement le nom commun “dépression”, souvent précédé de l’article “la”, nous convoquons l'idée maladie, c’est-à-dire littéralement de “ce qui est en mauvais état” dans une optique liée au corps. La maladie “dégrade” le corps, elle attaque ses parties et menace la survie de son système. Le remède contre une maladie est lié à la découverte de ses origines, du foyer infectieux ou des causes de dysfonctionnement d’un ou plusieurs organes défaillants. Il s’agit de se soigner pour réparer la machine ; la science déploie ses trésors d'imagination pour percer à jour les subtilités du fonctionnement du corps humain, des influences internes et externes qui sont susceptibles de menacer sa pérennité. Ce qui donne en gros : définition de l’origine de la maladie + recherches des causes + expériences de traitements = résolution, plus ou moins probante. Cancers, diabètes, gastro, varicelle, toutes ces choses dont on mourrait il n’y a pas si longtemps, parfois dans des souffrances atroces, ont été maîtrisés, au moins au niveau de la théorie (c’est-à-dire, on en meurt encore, mais on sait d’où viennent ces maux et comment les traiter au moins en partie). C’est très approximatif, je ne suis pas médecin, mais vous avez l’idée. L’idée de l’approche biologique est de dire que la dépression est due à un déséquilibre chimique : elle serait causée par un mauvais fonctionnement des neurotransmetteurs, notamment la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine, dans le cerveau. Selon cette hypothèse, une diminution de ces substances chimiques pourrait entraîner des changements dans la régulation de l'humeur et des émotions. L’approche neurobiologique part de cette idée : il est donc logique pour ses adeptes de chercher le médicament susceptible de fabriquer ou de capter les substances chimiques manquantes ou mal transmises pour les distribuer de manière “normale” dans le cerveau. D’où l'invention des antidépresseurs.

Le psychique

Quand nous évoquons le “trouble dépressif”, nous nous situons dans un autre champ, celui de la psychologie : le mot lui-même signifie “perturbation”. Il y a là l’idée d’un chamboulement de l’état psychique “normal”, si tant est que cela existe. Évidemment, c’est moins logique et simple que l’approche biologique, qui parle en termes d'interactions neurologiques. Ici, on entre dans le monde merveilleux de la psyché, avec ses écoles, ses mouvements, ses certitudes, ses doutes et aussi, ses approximations. L’approche psy, comme le nom l’indique, privilégie le travail de l’esprit et le retour des expériences conscientes et inconscientes. Elle ne signifie pas que les manifestations physiques, parfois débilitantes, de la dépression n’existent pas : juste que leur racine est liée à des facteurs psychologiques tels que les traumatismes,  la construction de la personnalité, le développement de l’estime de soi, l’apprentissage de la régulation des émotions, les schémas de pensée etc. Sa soluce va de la psychanalyse à la psychothérapie en passant par les thérapies cognitives, mais mobilise principalement la parole. Les thérapies brèves, plus ou moins reconnues, peuvent passer par la mémoire du corps, l'hypnose etc. mais aucun médicament n’est en jeu, et pour cause : les psychothérapeutes ne peuvent pas en prescrire. 

Bonjour, la psychiatrie

Censée allier l’approche biologique et la psychologie, la psychiatrie est la seule discipline dont les diplômés sont en droit de diagnostiquer ce que l'on nomme une “maladie mentale”. Si leur expertise et leur spécialisation sont indispensable pour ne pas tomber dans le monde merveilleux des charlatans ou de l'autodiagnostic, les psychiatres n’en restent  pas moins soumis•e•s à la réalité ambivalente de la maladie-trouble : qui de l’esprit ou du fonctionnement du cerveau est à l’origine de la hess ? Comme la réponse est encore impossible à définir, leur thérapie passe souvent par un mix entre médicament et parole, ce qui semble être le bon équilibre pour tenter de soigner une affection qu’il est si difficile de définir.  

La sociologie est entrée dans le chat

Notre troisième petit pote à la compote est indispensable pour venir parfaire notre tableau du seum. Car oui, on ne peut décemment pas faire l’impasse sur l’influence de la réalité sur nos petites vies, nous ne sommes pas de purs esprits. 

Bourdieu, qui ne comprend rien non plusBourdieu, qui ne comprend rien non plus

Les facteurs environnementaux sont aussi un clé pour parler de dépression : le stress d’une vie compliquée, les deuils, les problèmes relationnels – à la maison ou au boulot – l'argent, l’accès aux soins, le niveau de vie, l’environnement social, tout cela a une incidence sur notre état mental. Souvent négligée, voire carrément niée, l’approche sociologique permet néanmoins de soulever de grandes questions concernant la santé mentale. Car comment corréler les difficultés liées à des environnements difficiles et leur incidence sur l’esprit ? Comment ignorer que le manque d’accès aux soins, et ce parfois sur plusieurs générations, ne permettent pas l'émancipation de certaines affections psychiques ? Comment ignorer les inégalités de traitement et même de reconnaissance des maladies mentales ? L'aspect environnemental est une clé de compréhension très fine pour trouver de nouveaux axes de réflexion sur la maladie. C’est ici que la troisième notion, évoquée plus haut, celle “d’état”, prend tout son sens : le mot signifie “manière d’être”, mais aussi “statut”. C’est exactement de cela dont nous parlons : la dépression est à la fois une façon d’être au monde, qui va donc influer sur le statut dans la société, mais aussi un statut hérité de nombreux déterminismes sociaux. La boucle est bouclée.

T’es In ou tu es out ?

L'autre grande question qui se dégage de cette connaissance des trois facteurs principaux de la dépression, est : la dépression est-elle en moi ou vient-elle de l'extérieur ? En gros, est-ce un virus ou un atavisme ?  C'est une question délicate, car évidemment, il s'agit de ne pas essentialiser nos personnalités ou de manipuler des concepts psychiatriques trop compliqués, voire ne surtout pas y répondre nous-même. Par contre, rien ne vous empêche de poser les définitions. Si on veut un peu expliciter, on peut distinguer la dépression endogène et exogène. 

La dépression endogène fait référence à une dépression qui semble avoir des causes internes ou biologiques. Tout se passe comme si ton cerveau décidait de t'envoyer des infos erronées pour te filer du seum, parce que tes gènes, ses neurotransmetteurs ou sa chimie étaient détraqués à la base.  Il n’a besoin de personne pour flipper, tout ce qui se passe à l'extérieur n’a pas vraiment d’incidence sur lui : il est juste vénère tout seul. Elle est souvent chronique et persistante.

La dépression exogène, également appelée dépression réactive, fait référence à une dépression qui est déclenchée par des facteurs externes ou des événements de vie stressants. C'est un peu comme si la vie te filait des coups de pieds dans les côtes en rigolant. Des trucs extérieurs viennent te frapper de tous les côtés : deuils, ruptures, problèmes d'argent, soucis de santé, tout ce qui fait chier et qui diminue la joie de vivre. Elle est considérée comme plus “réactive” que la dépression endogène et in fine, plus passagère.

Évidemment, la réalité étant un grand gloubli-boulga de complexité, on ne peut pas exclure que les deux types s’entremêlent, mais cela donne une idée des deux pôles de la maladie.

En bonus : la philosophie

"Institut de philosophie" : VOUS ÊTES ICI"Institut de philosophie" : VOUS ÊTES ICI

Parce que oui, impossible de parler de dépression sans évoquer la crise de l’existence : et impossible de ne pas parler de crise de l’existence dans un monde de plus en plus complexe. La philosophie a toujours évoqué le mal de vivre, l'inéquation entre le monde et l'individu, la volonté de dépasser les écueils d’une société mal-ficelée pour atteindre la joie. La dépression pourrait-elle aussi venir d’un esprit qui refuse le monde tel qu’il est ? D’un esprit que ne s’accommode pas du réel ? D’individus qui se posent trop de questions ? De cerveaux qui ne veulent pas accepter la banalité du mal ou la finitude de l’existence ? Les angoisse découlent-elles de la connaissance ? On peut légitimement se poser la question, et nous n’allons pas hésiter à la faire.

Mélangeons tout ça 

Pas besoin de sortir de St-Cyr pour comprendre que la dépression est multifactorielle : pas besoin d’être diplômé d’Harvard pour comprendre que la vérité de chacun.e se trouve à la l'intersection de deux ou trois facteurs : maintenant, c’est Koh Lanta, parce qu’il faut démêler les fils de tout ce dawa existentiel. 

Pour cela, nous allons essayer de nous poser toutes les questions possibles, liées aux facteurs que j’ai évoqués pour votre plus grand plaisir.  J’en ai déjà beaucoup en magasin, et je vais essayer d’y répondre pour éclairer votre lanterne, mais vous pouvez ajouter ce qui vous interroge ci-dessous … parce que c’est un peu pour cela que vous êtes là, non ?

Bisou les aminches, n’hésitez pas à liker et commenter.


La boite à questions

N’en restons pas là

  • “Stanford's Sapolsky On Depression” - Une vidéo passionnante en anglais MAIS entièrement traduite par Youtube : le professeur de biologie et neurobiologie Robert Sopalsky aborde tous les facteurs de la dépression de manière claire et avec beaucoup d’humour. Un cours gratuit d’un prof de Stanford c’est pas mal non ?

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