ça va, vous ?
Ça fait un peu longtemps, pardon. Comme à chaque fois, je suis partie la fleur au fusil et la réalité m’a rattrapée.
Comment me direz-vous ?
Ben, exister est un job à plein temps quand on est malade, je dis malade — oui maintenant je m’autorise — et ce n’est pas évident de l'accepter.
Pourquoi produire ? J’ai le sentiment, peut-être à tort, que c’est la nouvelle douille qu’on s’impose, avec l’idée au bout, que c’est mieux. Mieux pour qui, pour quoi, c’est la question à cent balles, surtout quand ce n’est pas un taf qui, objectivement, nous permet de survivre.
En mars j’ai arrêté Internet, lieu magique plein de licornes et de trolls, au sein duquel j’ai officié à mi-temps pour Astrotruc pendant plus de six ans. J’avais déjà recommencé ce nouveau projet, Seum contre tous, sans me douter qu’en fait, j’étais en burn-out et que les relations para-sociales avaient pris le pas sur une grande partie de ma vie, pour le pire, parce que, je vous le dis sans trembler du menton, les relations para-sociales, c’est de la merde en barre. J’ai une vraie expertise sur le sujet, j’assume de le dire.
Alors bon. Je me suis hypée, newsletter, toussa, memes sur Instagram, on est reparti pour un tour. Et puis, plus de jus. Mais genre, aucun. Parler sur Internet me donnait l'impression de jouer des Maracas dans une discothèque de village avec Les lacs du Connemara à fond et des gens qui vomissent derrière le bar, vraiment. La cacophonie dans ma tête, il fallait la calmer parce que comme dirait la grande philosophe Kourtney Kardashian à sa sœur Kim : “Il y a des gens qui meurent, Kim”. En ce moment.
La réalité politique, sociale, la fine ligne de démarcation entre la volonté de libérer la parole et le personal branling, la jubilation de parler de sujets tabous et le nombrilisme, est ténue. Depuis quelques temps, le jargon psy circule, pour le meilleur et pour le pire, trauma, narcissisme, perversion, gaslight, vous voyez le bail. À la fois, je suis pour s'emparer des termes et en faire ce qu’on veut, pour s'approprier le langage – il est à tout le monde, bordel – mais ce qui est le plus important, c’est quand même de savoir d’où l’on parle. De mesurer nos privilèges, nos parcours : c’est intéressant ce sujet, parce que ça m’a muselée un moment. Ça et la maladie, la fatigue, l'impossibilité de mettre en mots ce que j’ai découvert le long de mon propre chemin. Que faire ? Faut-il faire quelque chose ? Faut-il parler à tout prix ?
D’abord, j’ai laissé venir. J’ai vu que la “santé mentale” commençait à devenir “the next place to be” sur Internet et comme je suis une connasse j’ai pas voulu prendre le train en marche (a.k.a faire une newsletter payante et donner des “conseils”, parce que franchement ne prenez pas de conseils chez moi, par pitié). J’ai repris mon boulot à plein temps, en abandonnant l’idée de gagner de l’argent avec l'écriture. C'est galère, ça ne paye pas, en vrai, et j’aime pas réclamer. J’ai commencé à me soigner, ce que je n’avais jamais fait. J’ai eu ce luxe, je suis reconnaissante. On m’a posé des diagnostics, ça m’a fait chier et ça m'a libérée. Si on doit parler de santé mentale, on peut dire qu’être malade, ça empêche et qu’il faut l’accepter. Vous êtes contents d'être venus, hein ?
C’est décousu je le sais.
Mais restez.
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