J’ai testé pour vous : le CBD

Et c'est mi-lol, mi-bof.

Seum contre tous
9 min ⋅ 22/01/2025

En ce moment, j’expérimente une nouvelle facette du Seum : celle d'hyper-ventiler, d’un coup, comme ça, en pleine journée. Avant, je me contentais de me réveiller à 4 heures du mat’ afin de passer en revue les éventuelles catastrophes que la vie pouvait m’offrir, le cœur palpitant comme un moteur de Renault 12, persuadée qu’il allait finir par s'arrêter et que j’allais mourir connement d’un arrêt subit de la machine, au fond de mon lit, en pyjama en pilou (nul). Désormais, je sens monter l’angoisse au cours de la journée, progressivement, jusqu'au moment où les pensées intrusives, la certitude de ma fin toute proche et de la catastrophe me concernant ou concernant mes proches est tapie dans un coin du monde, prête à en découdre avec ma petite personne insignifiante, me refilent une sensation de mort imminente. So much fun. 

Ce n’est pas pratique, les crises d’angoisse en pleine journée, parce que, généralement, on a des trucs à faire, genre, travailler, envoyer des mails, faire des lessives ou juste manger, enfin bref, il faut vivre, quoi. Complètement prise de court par cette nouvelle modalité, ce lifestyle de l’enfer façon Apocalypse Now, je me suis évidemment mise en quête de solutions. L’angoisse, c’est un peu l’invitée surprise dont on se passerait bien ; la pièce rapportée qu’on ne kiffe pas du tout mais qu'on ne peut pas vraiment éviter à l’apéro, parce que c’est la pote d’enfance, le mec, la cousine, le boss de quelqu’un.e et qu’on doit subir malgré l’envie de fuir avec ses petits fours dans le creux de la paume. On me prescrit des anxiolytiques, que je prends comme des pastilles Valda, bien consciente que cette débandade totale ne saura que trop durer. (Ne reproduisez pas ça chez vous)

On m’a donc fait un cadeau de toute beauté : un joli petit objet décoré de volutes rosées (une pipe), accompagné d’un petit sachet d’un mélange d’herbe odorante (du CBD). C’est l’été. Je pars en vacances avec mon attirail de détente. Vous vous en foutez, mais j’ai de la famille en Sicile, et ne l’ayant pas visitée depuis beaucoup trop longtemps, j’ai décidé de prendre ma fille et mon mec sous le bras, et de retourner sur cette île si particulière, à la fois magnifique et chaotique. Vous vous en foutez aussi, mais nous (ma fille, mon partenaire et moi-même, et sept autres membres de ma famille) avons décidé de nous rendre à Livourne, afin d’effectuer la traversée en bateau, parce que nous aimons les challenges, les pique-nique à base d’oeufs durs, de rosé et de sandwichs à la mortadelle, à dix sur un ponton qui sent le fioul, les embruns de la Méditerranée à la nuit tombée et les gens bourrés à 17 heures accoudés au bar dont les enceintes crachent à fond une compil’ Dance Machine datant de 1996.

Nous effectuons notre périple pour aller en Italie, donc. Juste avant le tunnel du Mont Blanc, dans notre Peugeot de location pleine à ras-bord, nous papotons gaiement : mais, au bout d’une heure et demie d’attente dans la file de camions et de voitures blindées de valises, sous le soleil implacable de la fin juillet, nous commençons à trouver le temps long. Entre deux morceaux de pop italienne des années soixante-dix, un bonbon Lutti dans la bouche, je m’interroge. Le CBD est-il légal en Italie ? Une petite recherche sur Google et nous avons la réponse : NON.

Ça nous occupe un peu, cette discussion, parce que Google n’est pas si clair sur la question. Ma fille, cette délinquante fin prête pour le grand banditisme me suggère : “On a qu’à le mettre dans ma trousse de secours”. Oui, parce que, depuis qu’elle est toute petite, celle-ci ne voyage jamais sans un kit complet comprenant tous les accessoires nécessaires en cas de malheur ou de catastrophe, du désinfectant aux sutures cutanées adhésives, en passant par la couverture de survie, le tout bien optimisé dans une petite trousse imperméable au format carré de couleur rouge.

Ici, je m’étonne de l’audace de ma progéniture. Il faut savoir que cette enfant – que j’adore, la prunelle des mes yeux, ma flamme jumelle – est aussi souple que le Code Civil lorsqu’il s'agit de déroger aux règles, et lorsqu'elle s’est proposée de planquer mon sachet d’herbe légale dans ses affaires, cela me fait autant d’effet qu’un Emmanuel Kant dansant la Macarena (anachronique je vous l’accorde, mais si on se projette deux secondes, c’est imaginable). Et puis, nous passons à autre chose (une discussion entre son père et moi dont elle se fout), elle remet ses écouteurs, et s’endort (mon sport préféré en voiture). Moi, je mange de nouveau des bonbecs, cherche un Affaires Sensibles que je n’ai pas déjà écouté, somnole en bavant un peu, puis décide d’ouvrir le sachet pour voir comment ça sent. Étant atteinte d’une maladresse chronique doublée de l’incapacité à attendre d’avoir des ciseaux en main pour déchirer quoi que ce soit, j’éventre le contenant et regarde son contenu s’éparpiller dans l’habitacle de notre voiture de location, sous le regard ravi de mon partenaire de vie, qui n’est plus à ça près. Je ramasse tant bien que mal. Succombant à mes pensées intrusives, j’écrase l’herbe entre mes doigts pour la semer par la fenêtre à la sortie du Tunnel. Mon premier tribu à la campagne italienne (c’est biodégradable, ça va).

Je vous passe le voyage en bateau, puisque l’aller s’est très bien passé ; quatorze heures de traversée de Livourne, à Palerme, ma bien-aimée. Le retour, c’était une autre affaire, puisque j'ai fait une intoxication alimentaire doublée d’un mal de mer à en crever, qui me font dire : ne prenez jamais le bateau, jamais sous aucun prétexte, mais c’est parce que je ne serais plus jamais objective. Bref, nous arrivons à Palerme. Je suis obligée de vous redonner une précision, mais elle est de taille : certes, tout le monde sait qu’il fait chaud en Sicile en été en général. Mais fin juillet début août 2023, il faisait à peu près 48 degrés. Quand même les Siciliens vous avouent qu’il fait chaud, vous savez que vous êtes dans la faits comme des rats, et dès la descente du bateau, j’ai perçu la pénibilité de notre entreprise. Comme je suis aussi résistante à la chaleur qu’un kouign-amann laissé sur une plaque chauffante, j’ai entamé ma lente désintégration sur le parvis du port de Palerme, observant les voitures sortir du ventre du ferry sans-âge, les unes après les autres, bientôt persuadée que ma caisse allait apparaître en dernier. Ça n'a pas loupé : de loin, j'ai aperçu mon mec au volant de notre voiture, prête à bondir pour grimper dedans et échapper à la morsure du soleil, qui, même s’il est générateur de toute vie, est parfois un gros bâtard. Mais que nenni : comme dans un mauvais rêve, deux types, jeunes et à l’air pas commode, ont fait un geste pour obliger ma moitié à ranger la voiture sur le côté. Si vous avez un peu d'expérience de la vie, vous avez forcément un radar à policiers en civil. Ce qui est marrant, c’est qu'ils sont facilement identifiables et la Sicile ne fait pas exception : mais là, ils arboraient franchement des plaques toutes brillantes, façon étoile de shérif, pendues autour du cou, retenues par une lanière de nylon. La douane. Comme au ralenti, je les ai vu faire descendre mon partenaire de la voiture, parlementer, lui faire ouvrir le coffre. Ils voulaient fouiller nos bagages. Ma fille et moi, arrivant sur ces entrefaites, les mecs ont tiqué : ils ne s'attendaient pas à nous voir rabouler. Ce qu’ils ont vu, c’est un type seul, mon mec, tatoué comme un repris de justice des années cinquante, au volant d’une voiture bien trop pleine. Lorsque nous apparaissons toutes les deux, ils se détendent un peu. 

  • Dites- nous tout de suite si vous transportez des substances illicites, me dit le premier dans un  anglais chantant comme une sérénade. On perdra moins de temps. 

Il commence à ouvrir nos sacs à dos, tripote la petit poche sur le dessus de l’un d'entre eux : 

  • C’est quoi ça ? demande-t-il en sortant une plaquette de médocs.

  • Euh, du Doliprane, for the head, dit mon mec, perplexe. 

Il fait 78 degrés et je me dis que s’ils se mettent à désosser nos valises, je vais tomber dans les pommes : les types se regardent en souriant, ils farfouillent mollement dans nos affaires, ils ont perdu la foi. Mon mec n’est pas un narcotrafiquant voyageant seul, il a une famille, et il prend du Doliprane, ce bouffon.

Je vois le visage de ma fille perdre toutes ses couleurs. Une fois, quand elle avait sept ans, après un cafouillage de billets dans le RER, j’ai dû passer par-dessus un tourniquet pour retourner au guichet et j’ai bien cru qu’elle allait tourner de l’oeil. Elle m’a regardé chelou pendant tout le trajet du retour, refusant de croire en ma bonne foi alors que je lui agitait les nouveaux billets, valides ceux-là, sous le nez. Bref. Vous l’aurez compris, ma fille, c’est pas Pablo Escobar.

Là, elle me fixe, l’air effaré – elle croit que le CBD est dans la voiture – tandis que je m’essaie à des mimiques qui veulent dire : “T’inquiète”, mais ça n’a pas l’air de marcher super. Je vois apparaître sur son visage ce qui se trame entre les rouages de son cerveau : “Police - Menottes - Prison”. J'affirme : non, non, rien d'illégal, ça va pas, non. 

Les mecs ont déjà la tête ailleurs.

Allez-y et faites pas de conneries”, nous marmonnent-ils. Le sous texte : “C’est pas parce que c'est la Sicile qu'on a le droit de faire ce qu’on veut, ok, bande de touristes. Français, en plus”. Et je les comprends.

Plus tard, j’apprendrais que mon petit frère, qui est sorti, lui aussi, tout seul du bateau dans sa voiture, s’est fait démonter ses valises une par une. Il faut dire que mon petit frère – que j’aime plus tout, la prunelle de mes yeux – est tatoué comme un chanteur de musique Hardcore des années 2000, notamment sur les mains et dans le cou, ce qui est difficilement dissimulable. J’en conclus que les représentants de l’ordre siciliens n’ont pas encore compris que les tatouages de tough guy* (dur à cuire) sont en général portés par des types aussi dangereux qu’une ampoule éteinte mais c’est, encore une fois, une autre histoire. 

Vous noterez que je n’ai pas encore parlé du CBD à proprement parler et vous avez le droit de crier au scandale (la meuf nous raconte ses vacances, sérieux ?) Alors, pour celles et ceux qui vivent sous une pierre dans une grotte au fond à droite d’un champ dans la Creuse, le CBD, c’est en gros, le cannabis sans les substances stupéfiantes (THC). 

Ce que dit la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) c’est que “Le cannabidiol, à la différence du THC, le CBD n’entraîne pas de dépendance, (mais) il a néanmoins des effets psychoactifs, en ce qu’il agit sur le cerveau.”

Commercialisé depuis 2015 sous toutes les formes (huile, pastilles, gouttes, bonbons, liquide pour vapoter, il ne manque plus que les suppositoires…), d’abord dans des boutiques à la déco tout droit sorties des années quatre-vingt-dix, Lava-lamp, graffitis moches et odeur à l’appui il s’est finalement démocratisé — le capitalisme a des travers qui restent très prévisibles – pour arriver jusque dans les rayons de mon Monop’, dans des packagings plus que mignons (ce qui entérine sa glamourisation, sans aucune équivoque). Sur le site de l’Assurance Maladie, on liste ses usages contre les insomnies, le stress et l’anxiété, les douleurs chroniques, les spasmes.” Ce qui est clair dans les textes, c’est que les entreprises qui le commercialisent ne peuvent en aucun cas en revendiquer des vertus thérapeutiques. De plus, ajoute-t-on sur le site, aucune donnée scientifique ne permet d’en relever les bénéfices

Bien. Lorsque l’on surfe un peu sur les sites qui vendent du CBD (et dont les blazes sont tous plus créatifs les uns que les autres, offrant des variations infinies à partir de la racine du mot cannabis, en concurrence évidente avec les coiffeurs et leurs circonvolutions autour de l'expression “tiff”) on se rend vite compte que l’interdiction de clamer les bienfaits thérapeutiques dudit produit est passée à la trappe. Lorsque je vais à la partie qui me concerne, le trouble dépressif, je peux lire des trucs comme : 

“Cependant, la molécule de CBD active directement les récepteurs de la sérotonine ! Ainsi que les récepteurs vanilloïdes (impliqués dans la transmission de la douleur), et l’activation partielle des récepteurs de la dopamine (impliqués dans le traitement potentiel de la maladie de Parkinson), entre autres actions.” sans aucun renvoi vers les études qui pourraient étayer ces affirmations. 

Grosse prudence, donc. Ce document, Pharmacologie du Cannabidiol,  Points de vigilance, conséquences et risques chez l’homme (note rédigée par l’Association Française des centres d’Addictovigilance), dit en, gros ceci : 

  • le CBD a des effets psychoactifs, c’est vrai, plus de l’ordre de la somnolence et de la sédation qu’autre chose

  • il peut interagir défavorablement avec certains traitements

  • le vapoter n’est pas très bon

  • son caractère addictif est, à ce jour, considéré comme faible

Voilà. Comme pour tout, il s’agit de bien se renseigner, et d'agir avec prudence, de préférence avec son médecin. 

Je reprends. 

Je suis donc en Sicile, j’ai n’ai pas réussi à passer mon CBD, je vais devoir me détendre malgré tout, c’est le moment. Tout ça pour ça ? Alors. Je passe quand même un bon moment, hein, je suis en vacances et les panelles, la plage, les discussions autour de la table où tout le monde gueule parce que c’est le seul mode de communication – et j’aime ça parce que c’est aussi le mien, j’adore parler fort pour dire des trucs – la pastèque, les promenades du soir avec une glace qui coule le long de mon coude, mon neveu et la nièce qui jouent dans les vagues, toussa, ça me détend, on ne va pas se mentir. Merci les congés payés, merci la Sicile, merci la vie. Mais avec moi, la détente n’a qu’un temps. Limité. 

Un mois passe. Je suis en PLS : la rentrée, la pluie, mon inertie, les mille projets que je ne réussis pas à faire aboutir. Trois mois passent, c’est le double coup de massue : mon endométriose me paralyse, la souffrance physique est limite insupportable et l’angoisse me met des tannées qui m'épuisent. Un soir de semaine, je range mon petit bordel dans le meuble de l’entrée et je retombe sur mon kit-détente. Je me dis, ben pourquoi pas, ré-essaie, meuf, ça ne coûte rien. 

Je réessaye et là, d’un coup, je me sens bien, mais avec la connerie, vraiment. On s’apprête à dîner, je chantonne du Frank Ocean, tout va bien. Au milieu de ce kiff, il décide soudain de parler avec ma fille des bavardages en classe mentionnés dans son livret trimestriel. Sans vraiment de transition valable, me retrouve assise à ses côtés sur le canapé, ma fille adolescente en face. Il est hyper sérieux, il parle de choses importantes, et moi, je sens monter un fou rire digne de mes pires moments au collège. J’observe son profil, et je n’entends plus ce qu’il dit ; son nez me fait rire. La situation me paraît soudain absurde et je répète ce qu’il dit en pouffant comme une ado qui a bu son premier verre de champagne. Il se tourne vers moi : “Mais qu’est-ce que t’as ?” C’est vrai que le bad cop du duo parental, c’est plutôt moi, d’habitude, et on sait bien que le règle d’or dans l’éducation des gosses, c’est de présenter un front uni et de ne jamais décrédibiliser la parole de l’autre : j’essaie tant bien que mal de soutenir son opinion et de signifier à ma fille que tout ce qu’il dit est vraiment important mais je n’ai aucune patate, je ne réussis pas à me retenir de rire. Je suis obligée de leur avouer que j’ai pris du CBD, et que cette fois, ça me fait de l’effet. Pour la street-cred parentale, on repassera. Ma fille m'absout, magnanime, mon mec lève les yeux au ciel, mais ma connerie est communicative. Je ne vais pas vous mentir, je me sens bien. Un peu en mode Dumb et Dumber, mais bien. Bon, après, remplacer l’angoisse existentielle par des crises d’euphorie, est-ce vraiment raisonnable ? Non. Le but, hein, de notre vie c’est plutôt de trouver le juste milieu, l'équilibre émotionnel, le soulagement de la neutralité.

Le soir même, je dors comme un bébé. Je dors comme je ne dors plus jamais, les émotions en pause, le cerveau en friche, le corps soulagé. Je commence donc à l’utiliser avant de dormir. Et c’est bien, même si ça pue un peu. Je ne peux pas dire que mon utilisation est devenue systématique : je ne me tiens à rien ni aux traitements, ni aux habitudes. Du coup, mon usage est sporadique mais efficace lorsqu’il s'agit de relativiser un peu et surtout, de mettre mon cerveau en pause. 

Alors ? Ben, le bilan est mitigé mais pas inintéressant : le CBD me fait rire et m’aide à dormir. Comme c’est indiqué dans les sites officiels, il n’est qu’un outil de bien-être, absolument pas un traitement. Il peut agir comme une petite béquille, une béquillounette, quand on est en sécurité chez soi, et pas sur l’autoroute au volant d’un poids-lourd en direction des Pays-Bas, en présentation devant son boss, ou, globalement, en responsabilité de quoi que ce soit. C’est déjà ça.

La prochaine fois je vous raconterai comment, un jour, j’ai cru que l’appartement d’un pote, qui habitait deux étages au-dessus de chez moi, avait purement et simplement disparu, comment j’en suis venue à redescendre dans la rue pour vérifier la façade (et que j’étais bien dans mon immeuble), comment j’ai remonté et redescendu les étages, bien, quatre fois, en recomptant soigneusement les marches, pour finir par me rendre compte que la porte du hall de son étage était juste fermée.

Bisous.


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